THE SUPERELVIS NONSENSE CHANSONS

par Pascal COMELADE

("Apercevez-vous, là-bas, ce nuage qui usurpe presque la forme d'un chameau?" Hamlet. Shakespeare)

Nous ne savons rien des antécédents lyriques de Superelvis. (En ce qui me concerne, j'ai fais mes premiers pas scéniques à l'Opéra de Montpellier en 1973 comme figurant dans "Carmen"; un client de la taverne, un contrebandier, un hallebardier, le tout en costume d'époque). Anki Toner, le chanteur-harmoniciste de Superelvis, combo barcelonais quadricéphalesque, est l'auteur de l'excellent "El Blues", livre paru en 96 aux éditions Celeste, dans lequel il recense scrupuleusement la totalité des versions de "When Things do wrong/it hurts me too" (Elmore James et/ou Big Bill Broonzy). Elle eut m'ailleurs dix que vespa gnole deux rots qu'enrôlent de la nez 1996 parle ment Sue aile "Rock de Lux", "Happiness is stupid" hèle Troie scier alme ale boum de Superelvis, après "Wrong songs", 1994 et "Necessary lies", 1995. Au fil de ses 3 albums, la lutherie des 4 musiciens de Superelvis est aussi fluctuante dans sa precision flouctueuse que I'orchestre proposé en 1897 pour Ubu Roi par Alfred Jarry; voilà et voici l'orchestre centenaire = hautbois, chalumeaux, cervelas, grande basse, flageolets, flûtes traversières, grande flûte, petit basson, grand basson, triple basson, petits cornets noirs, cornets blancs aigus, cors, sacquebutes, trombones, olifants verts, cornemuses, galoubets, bombardes, timbales, tambour, grosse caisse, grandes orgues. Anki Toner use aussi d'un harmonica spécial, variante du mirliton à sourdine de type "Spoutnik-jazz", stade avancé du peigne-musical, le lumpen-kazoo à vibrations hygiéniques, dérive moderniste des oubliés "Bigot phone", ces instruments à vent en carton décoré permettant, d'après les marchands de farce et attrapes de l'époque, de crier quelques fanfares "ultra-soniques". D'un résultat musical aussi enchanteur, certes, que les chorales de chiens, "The singing Dogs" dont nous parle David Toop dans le dernier numéro de The Wire (relation de l'album de Carl Weissman - "The arolings dogs of Copenhagen: The dog-gonest collection of real canine crooners ever assembled", released by Mr Pickwick in 1974, ou les orchestres de queues de chat imaginés par Albert Humbert et le Père Kircher. Les textes des chansons d'Anki Toner (qui est le chanteur comme le narrateur du "Meurtre de Roger Ackroyd" se trouve être l'assassin) relevant d'une pratique quasi-oulipienne du traitement de texte: mélanges et emprunts appropriés et re-appropriés de bribes ou de phrases integrales ou de refrains de standards du Rocanrol (Stones, Beatles, Kinks ... ) et de la mélopée éternelle (Sinatra, Carosone...), directement re-injectés dans ses propres textes, cut-up à la Burroughs désarticulant le "Signed curtain" (Robert Wyatt/Matching Mole), stade ultime de la chanson qui raconte la chanson, plongeant directement, tel l'aéro-dynamique Antoni Ramallets ("Le tigre de Maracana", goal du Futbal Club de Barcelone de 1946   1961) via le détournement (à propos de détournement, nous n'avons pas signalé les faux originaux de Fritz Kreisler, ce violoniste autrichien qui, jusqu'en 1935, joua devant le public mystifié ses propres créations en les faisant passer pour des originaux de Vivaldi, Pugnani, Couperin, Porpora, etc.), dans un non-sens de fausses chansons paradoxales. Le non-sens hérité des vignettes espagnoles du XVIIIe ("El mundo al reves": un cheval sur le dos d'un homme, un toro porte l'estocade au matador, etc.), les "nonsense poems" d'Edouard Lear (1912-1888), Lewis Carroll, les fausses pièces de théâtre de Ring Lardner (1885-1953) qui se passent dans la banlieue d'une table de billard, les histoires lamentables de Cami (1884-1958) et ses archers aux dents creuses, culs de jatte hérétiques et autres tailleurs aux regards obliques, les dérapages linguistiques tels le glossaire des langues gullivériennes de Swift ("fluft drin yalerick dwildum prastad mirplush"), le paragraphe en "X" d'Edgar Poe, le "pseudo-sonnet" de G. Fourest tout en "X", l'étude sérieuse "is sydavish slavish?" de Har Brok (Amsterdam, 1976), les agités de la B.D. américaine des années 30 (Goldberg et les "Variations Goidberg", le Krazy Kat de George Herriman et son fameux "I scream, Ice cream", le petit barbu en casquette écossaise qui questionne sans cesse "Nov shmoz ka pop?" de "The squirred cage", etc.), le tout mélé à la pathologie élémentaire du blues (se fendre la gueule, rigoler comme un bossu, jouer un sol en l'air, Superelvis a rencontré André Hodeir, hier).

Et la musique? Superelvis pratique le minimalisme -plutôt le squelettisme post-Magic Band, par une logique triphasique amenant au Nu artistique musical: 1) Stade vestimentaire, règles de l'harmonle, photo de Betty Page qui cligne de I'oeii. 2) Stade du strip-tease, dépouillement progressif, apologie de Rita Renoir. 3) Le nu artistique proprement dit, minimalisme actif, abandon de la mesure. Comme Gaston Chaissac, ce peintre que Dubuffet pilla et qui n'est pas à reléguer au rayon des galeries art-brutesques et qui avait créé l'argot de la peinture, comme Klee et Miro (magnifique chapitre remettant Chaissac et les pendules à l'heure dans le livre de Michel Rajon "Du côté de l'art brut"), Superelvis pratique l'argot neurasthénique à tendances maniaco-dépressives du blues, mais pas comme Astor pilla Zola.

Les 3 disques sont distribués en Espagne par BOA. L'Espagne a édité l'an dernier un timbre à l'effigie de Cameron de la Isla. Jaki Liebezeit (Can), dans les années 60, a accompagné au Club Jamboree de la Plaza Real de Barcelone Chet Baker et Tete Montoliu. Damned!
 
 

Revue & Corrigée, nº 31, mars 1997, p.7


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